Début novembre, nous avons eu l’occasion de partir avec le groupe Déjeunons sur l’herbe et Ladies Wine pour une exploration de Porto. L’objectif principal était d’en découvrir plus sur la production du bouchon de liège, tout en approfondissant nos connaissances des vins de Porto et du Douro. La première partie de la semaine était organisée par Virginie Lopes gérante de l’entreprise familiale Portuliege spécialisée dans les bouchons issus de l’agriculture Biologique.
C’était partir sans savoir à quoi s’attendre pour une partie de l’équipe, et ces quelques jours ont été plus qu’enrichissant. Première partie de la semaine : production de bouchons de vins & spiritueux, et remise en perspective de l’usage du liège naturel.
Le bouchon de liège, c’est complexe.
On l’aime autant qu’on le déteste, ce bouchon de liège. On l’adore lorsqu’il protège le précieux nectar, lorsqu’il se dévoile à l’ouverture, souple, intact, parfois orné d’une élégante inscription. Certains le collectionnent, d’autres le recyclent pour soutenir des associations engagées dans la recherche contre le cancer, ou pour créer des objets aussi ingénieux qu’insolites. Mais on le déteste tout autant lorsqu’il trahit son rôle, contaminant le vin, même conservé dans des conditions idéales. On le maudit quand il condamne une bouteille entière à finir dans l’évier.
Alors oui, les alternatives séduisent : capsules métalliques recyclables à l’infini, bouchons en polymère (jugés non éco-responsables), plus pratiques et modernes. Mais le bouchon de liège traîne d’autres défauts : risque de casse, nécessité de maîtriser l’art du tire-bouchon ou du bi-lame, gestes précis et précautions à chaque extraction. Paradoxalement, il s’est élevé au rang de symbole sacré, ses défenseurs adoptant parfois une posture élitiste.
Qui pourrait croire que le processus de production du bouchon de liège est complexe ? Vous êtes vous déjà posé la question: Combien d’étapes subit ce matériau pour créer un si petit objet qu’est le bouchon ?
Pour notre première visite, nous avons découvert JA Beira, une entreprise familiale implantée à Vila Nova de Gaia, à une trentaine de minutes de Porto. Depuis 1979, cette usine se consacre à la fabrication de bouchons sur mesure pour les bouteilles de spiritueux et de champagne. Le liège, déjà traité et présenté sous forme cylindrique, est transformé sur place sous la supervision attentive d’Anna. L’entreprise est certifiée BRC Packaging depuis 2017, qui s’ajoute à ses différentes certifications ISO. À la partie technique s’ajoute l’engagement écologique de la société sur les plans énergétiques notamment.
De taille moyenne, José Beira, nous explique les valeurs portées par sa structure notamment l’agilité. La capacité d’imaginer, créer des solutions sur mesure avec en moyenne une réponse sous 48 heures. Les équipes travaillent de manière soudée, la confiance entre collaborateurs prime, et Virginie (Portuliège) nous confirme qu’il leur est possible de proposer des création en moins de 48 heures pour le client final. Comme ici, un bouchon produit pour une grande marque de single malt à l’occasion du dernier Jubile de la Reine d’Angleterre. Chaque bouchon est façonné selon les exigences spécifiques des clients, qui cherchent à se démarquer par la forme unique de leurs bouteilles et des bouchons qui les scellent. Fidèle à ses valeurs, JA Beira collabore principalement avec des clients de toute taille ainsi qu’avec des producteurs de chêne-liège soucieux de proposer une qualité irréprochable.
Les présentations faites et la première visite achevée, il est temps de faire le point. Une chose ressort immédiatement : le liège est bien plus qu’un simple « petit objet croisé occasionnellement ». Issu de l’écorce du chêne-liège, cet arbre remarquable permet une récolte sans dommage pour lui, généralement tous les 7 à 12 ans, avec une fréquence de 9 ans souvent citée comme référence. Ce matériau est une véritable pépite : 100 % naturel, réutilisable, recyclable, élastique, imperméable à l’eau et aux gaz, excellent isolant thermique et acoustique, et presque imputrescible.
Même après sa transformation en bouchons, le liège conserve ses atouts écologiques : il peut être recyclé et intégré dans de nouvelles chaînes de production. Broyé, il se métamorphose en produits divers tels que des bouchons micro-agglomérés, des panneaux d’isolation ou encore des accessoires pour la pêche. Ce matériau unique incarne une ressource durable et polyvalente, valorisée dans le respect de l’environnement.
Les forêts de chêne-liège, concentrées dans les pays méditerranéens, occupent une place stratégique, avec le Portugal en tête. Le pays abrite 34 % des forêts de chêne-liège au niveau mondial, dont près de 72 % se situent dans la région de l’Alentejo, confirmant son rôle central dans cette industrie durable.
L’après-midi, armées de ces nouvelles connaissances, nous avons poursuivi notre découverte en visitant Sacork, une entreprise engagée dans la production durable de bouchons naturels destinés à l’exportation. Cette visite offrait une vue complète sur le parcours du liège, depuis son état brut jusqu’au produit final. L’écorce y subit un processus méticuleux : sélection, désinfection, remise à plat, avant d’être transformée en bouchons naturels ou en l’un des produits dérivés mentionnés plus tôt.
Entreprise familiale, Sacork ne récolte pas elle-même le liège ; elle le reçoit déjà extrait et effectue un premier tri. Seules 50 % des écorces sont jugées suffisamment qualitatives pour entrer dans la fabrication de bouchons de bouteilles. Après une phase de stabilisation, suivi de l’ébouillantage, séchage et passage en chambre froide, destinée à le purifier des micro-organisme, le stabiliser mais surtout maintenir sa souplesse, un contrôle rigoureux de la qualité est mené. En réalité, la qualité est scrutée à chaque étape de fabrication. Si des défauts trop nombreux sont détectés à un moment donné, les bouchons concernés sont réorientés dans la chaîne de production pour être transformés en d’autres produits, valorisant ainsi chaque parcelle de ce matériau exceptionnel.
On retiendra donc que seulement 50 % des écorces de chêne-liège sont jugées aptes à la production de bouchons, et qu’après le séchage, à peine 30 % d’entre elles permettront de fabriquer des bouchons naturels de qualité supérieure. Le liège de moindre qualité, quant à lui, est recyclé pour créer des bouchons composites : il est réduit en granulés et mélangé à un liant. Les bouchons techniques, eux, utilisent ces granulés auxquels on ajoute parfois une fine couche de liège naturel sur les extrémités. Ces types de bouchons sont généralement destinés aux vins d’entrée de gamme.
Et le liège qui ne finit pas en bouchon ? Il connaît d’autres vies : revendu comme matériau isolant ou intégré dans la fabrication de parquets flottants, il reste un produit polyvalent et valorisé.
Enfin, à l’issue de la chaîne de production, une ultime sélection, particulièrement stricte, est opérée. Chaque bouchon subit un contrôle visuel et olfactif, complété par des tests en laboratoire, afin de garantir qu’aucune contamination liée au liège ne compromettra les produits qu’il scellera.
3 millions de bouchons naturels sont produits par mois et 1 million par jour de bouchons pour les vins pétillants. Vous avez bien lu. Le bouchon naturel de liège, petit objet, grandes ambitions.
Petit lexique du Bouchon
Bouchons naturels:
Naturel ou Colmaté: Le second est soumis à une opération de scellage, dans laquelle un mélange de paraffine et de poudre de liège est appliqué sur les bouchons pour colmaté les pores des bouchons, améliorant leur aspect visuel et leur capacité de scellage.
Bouchons techniques:
- Micro-liège: Corps aggloméré de particules de liège
- Technique 1+1: Le Micro-liège avec 2 disque de bouchons naturels aux 2 extrémités
- Bouchon de Champagne: Idem que Technique +1 ou 0+2 mais format adapté
- Bouchon de Cidre: Bouchon Micro-liège
Les Enjeux de l’Industrie du bouchon de Liège
Les producteurs de liège font face à des défis majeurs, nécessitant une revalorisation de la culture du chêne-liège. L’accent est mis sur l’optimisation de la productivité en sélectionnant soigneusement les lieux de plantation, en fonction de la chaleur et de l’altitude. Les différentes zones permettent d’échelonner les récoltes entre mai et septembre, rendant la gestion plus efficace. Cependant, le liège reste un matériau peu rentable s’il n’est pas exploité de manière optimale, et la fabrication de bouchons naturels est un processus complexe et exigeant. Cela souligne l’importance d’une utilisation diversifiée et responsable du liège, intégrant des dimensions économiques, sociales et environnementales.
Comment répondre à ces enjeux ?
- En soutenant les producteurs engagés dans des pratiques responsables et durables comme le fait Portuliège.
- En misant sur une production réduite mais qualitative, complétée par des produits dérivés.
- En investissant dans la recherche pour développer et optimiser des applications nouvelles pour le liège, au-delà des bouchons.
Le secteur du liège demeure essentiel pour l’économie portugaise, mais aussi pour l’écosystème mondial. Les forêts de chêne-liège, véritables poumons verts, jouent un rôle crucial en absorbant plus de 10 millions de tonnes de CO2 par an. Ces écosystèmes résistent également aux incendies et freinent leur propagation, particulièrement dans des régions touchées par la sécheresse. À ce titre, la filière contribue de manière significative à la lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, il est impossible de dissocier le liège de son lien historique avec le vin, un secteur lui-même en mutation face aux évolutions des habitudes de consommation.
Grandes ambitions, mais quel avenir pour le liège ?
La filière devra conjuguer innovation, préservation environnementale et adaptation aux nouvelles attentes des consommateurs. Les défis sont nombreux, mais le potentiel du liège, matériau unique et entièrement recyclable, laisse entrevoir un avenir prometteur. Les recherches sur la culture du chêne, les moyens mis en place pour garantir des bouchons avec 0 défauts (Chromatographie, Méthode PCR, équipes olfactives…) sont tels qu’aujourd’hui le TCA est devenu le défaut le moins présent, on nous annonce que le but est de fournir des bouchons à moins de 0,5 nano-gramme/Dl quand les nez les plus sensibles détectent les défauts à 2 nano-gramme/Dl. Les investissements financiers sont colossaux. Plus de 1 million 5 prévus pour une machine d’analyse de fabrication Suisse qui permettra de multiplier la vitesse d’analyse de façon considérable. Cette machine nécessite un entretien au coût de 75 000 euros/an. Ce sont des investissements nécessaires pour Manuel, Silvia et ses 2 frères propriétaires de Sacork (SA & IRMAO) qui veulent garantir des bouchons 100% safe pour le consommateur.
L’avenir du bouchon de liège : entre incertitudes et adaptations
Le futur du liège se dessine dans un contexte complexe. La période de production reste limitée, bien qu’en bonne voie avec les investissements en machinerie et recherche la matière demeure encore sous-optimisée, et les forêts de chêne-liège souffrent d’un manque de replantation ces dernières années ainsi que du dérèglement climatique qui augmente la production d’écorce de moins bonne qualité. Par ailleurs, son avenir est étroitement lié à l’évolution des habitudes de consommation. On observe une baisse de fréquentation chez les cavistes, bien que le panier moyen y soit plus élevé ; une diminution de la consommation d’alcool au restaurant, notamment le midi et en semaine ; et une préférence des jeunes adultes pour une consommation plus festive et occasionnelle.
Face à ces transformations, le bouchon naturel en liège voit sa place concurrencée par les alternatives artificielles ou les capsules à vis en aluminium. Pourtant, une solution hybride pourrait émerger : réserver les bouchons naturels en liège aux vins de garde et de qualité supérieure, tandis que les vins de consommation courante s’orienteraient vers des bouchons techniques à base de liège, artificiels ou à vis.
Cette approche permettrait de préserver les ressources naturelles tout en répondant aux attentes d’un public en quête de praticité et de durabilité. De plus, en privilégiant deux matériaux entièrement recyclables, cette stratégie s’inscrit dans une logique de respect environnemental, assurant un équilibre entre tradition et innovation.
Et vous, quelle est votre opinion sur le bouchon de liège ? N’hésitez pas à commenter cet article.