Le Champagne Bio ne représente que 7,2% du vignoble contre 21% du vignoble français. Peut-on encore accuser le climat de ce retard ?
Beaucoup de Podcasts m’accompagnent lors de mes sorties running hebdomadaires. Une façon de lier l’utile à l’agréable (et réciproquement). J’en écoute de différentes sortes, mais quand il s’agit du vin j’aime beaucoup écouter Elizabeth Schneider « Wine for Normal people ». L’un des derniers en date est dédié à un groupe de vignerons coopérateur en Champagne. Je ne tiens pas à citer ici le nom, ce que je vais dire ici ne les concerne pas spécialement.
Le climat peut-il justifier le retard du champagne Bio ?
Quand on traite de la région de Champagne, les interviews débutent indubitablement sur la partie Climat (Frais et maritime). Pour relier tout de suite au fait qu’il est difficile de faire de la conduite bio dans cette région. Cela m’agace.
- Car dire que c’est parce qu’on est au 49°N (Très septentrional) et qu’il est difficile de faire de bio n’a pas de sens. On fait du Bio en Allemagne, en Alsace, en Central Otago (le vignoble a la plus grande latitude)….et même en Champagne.
- De nombreux vignobles en façade maritime sont en bio, Le Muscadet, Le Bordelais, Les costières du Chili, Portugal
Attention je ne suis pas en train de dire que c’est facile. Ni que ce ne sont que des excuses. Oui il est bien plus difficile de faire de la pratique bio quand on cumule un climat frais avec des influences maritimes. Je dis qu’il n’est plus suffisant, ni même de notre temps de justifier un choix de conduite par son climat.
Le sujet du climat à mon sens, ne peut-être toujours brandi pour justifier un retard dans une démarche éco-responsable. Qui plus est le mouvement Bio en Champagne démarre dans les année 70′ comme partout ailleurs !!!
Avant d’aller plus loin, je parle du Bio (Label), mais beaucoup de producteurs sont en conduite éco-responsable sans labellisation. En terme statistique, il me faut suivre un chiffre, c’est pour cela que je prends les chiffres officiels du Bio.
Ce qu’il faut pour produire des vins de Champagne
Sans vouloir en faire trop, il est important de garder en tête ce qui fait la qualité des vins de Champagne. Expliquer son terroir si spécifique. Contrairement aux autres régions viticoles produisant des vins tranquilles (sans bulles) la région Champagne ne cherche pas les maturités optimales des raisins. Pas optimales dans le sens Potentiel alcool élevé, puissance aromatique…
Les vins de Champagne (à bulles) nécessitent des raisins juste mûrs. En effet, il faut que le potentiel d’alcool reste bas (9-10,5%) car il y aura 2 fermentations. Il faut que l’acidité reste élevée pour permettre la production d’une belle bulle et un bon potentiel de garde, notamment pour l’élevage sur lies de 12 mois minimum.
En règle générel ce qui peut s’avérer comme un petit millésime pour des régions productrices de vins rouges puissant se trouve être un grand millésime en Champagne: 2002, 2004, 2008…
L’aromatique des raisins ne doit pas supplanter celle de l’élevage sur lie, voir de l’élevage en fût et/ou de la Malo-lactique. Ce sont les arômes secondaires qui signe la méthode traditionnelle.
En conclusion: Le climat de la région Champagne, ainsi que les choix des cépages autorisés sont des atouts pour la production de ces vins
L’impact du réchauffement climatique sur la région Champagne
Quoiqu’on en pense, le réchauffement climatique a un effet positif de la qualité des vins de cette région. On voit ré-apparaître un peu partout les cépages qu’on avait délaissé car trop difficiles à faire mûrir: L’Arbane, le Petit Meslier, Le Pinot Blanc et le Pinot Gris.
On a moins de besoin de dosage (en brut le dosage est autorisé entre 0 et 12 gr/l) et l’augmentation des cuvées Ultra-brut (<3 gr/l), Extra-brut (<6gr/l) et même Zéro dosage !! Même si ces cuvées restent marginales (voir ci-dessous) et difficiles à mettre en œuvre dans les grandes maison de part leur marché. Les vignerons indépendants quant à eux n’hésitent plus à se distinguer avec des cuvées spéciales: Cépages d’autrefois, zéro dosage, des choix parcellaires…
« Même si encore relativement confidentiels, les Champagne faiblement dosés sont dynamiques et passent le seuil des 6 millions de bouteilles expédiées (6,4 millions de bouteilles, + 1,9 million de bouteilles). Ils représentent désormais 3,4% des volumes exportés. Cette part de marché encore discrète est en hausse de 0,9 point. L’engouement pour cette qualité touche de nombreux marchés : le Japon (+ 280 000 bouteilles), l’Australie (+ 140 000 bouteilles) et surtout les Etats Unis qui concentrent un quart de cette croissance (+ 470 000 bouteilles) ; les Champagne faiblement dosés y représentent 4,1% du marché. »
Je voudrai rappeler ici, l’un des freins importants dans la production des vins à base de Pinot Noir (cépage le plus planté en Champagne avec 38%) c’est le RENDEMENT. La qualité des Grands Vins de Pinot Noir est inversement proportionnelle au rendement. Sauf qu’en Champagne, sauf exception, on ne cherche pas des grands Pinot Noir !! On cherche une matière première qui permette la production de grands vins de Champagne. Le cahier des charges Champenois offre un Rendement des plus hauts dans le vin avec 12 400 kilogrammes de raisins à l’hectare et jusqu’à 15 500 kilogrammes/ha soit (après calcul entre poids raisin et sortie de presse, référence 4000 kg de raisin pour 2550 litres, cuvée 2050 et Taille 500 litres) 82 hl/ha.
Certes le Pinot Noir est extrêmement sensible à la pourriture grise et autres maladies cryptogamiques, mais le Chardonnay et le Meunier résistent plutôt bien. De plus, l’expertise dans la gestion des vins de reserve et des assemblages permettent de protéger la qualité des vins au long court.
Là où par nécessité on préfèrera les exposition Sud et Sud Est en Bourgogne et ailleurs, la Champagne peut être plantée sur toutes les expositions et sur tous les sols, la craie (les sols les plus frais) restant le mieux indiqué. À nouveau, le climat ne peut pas uniquement être mis en avant pour justifier un retard sur les démarches écologiques.
Et puis, un dernier point essentiel, le réchauffement climatique a ses dernières années permis à la Champagne d’être relativement épargnée des gels de printemps. N’en reste pas moins que 2021 fût un millésime catastrophique, rattrapée par une hausse des rendements autorisés en 2020 et 2022.
Le Système Champagne est bien rôdé et résiste bien !
Champagne Bio: Le Comité Champenois et les démarches durables
Baisser le poids des bouteilles, passer toute la région en 100% Certifié Bio, HVE ou VDC (Viticulture Durable en Champagne) le comité Champenois n’a pas attendu pour mettre en place des démarches qui limitent l’impact carbone. Mais notez bien qu’avant tout, ces démarches limitent les coûts de production et de transport (50% de champagne est exporté). La démarche HVE rend obligatoire le recyclage, la gestion des matières premières (eau, énergie…). Toutes ces démarches sont Gagnantes/Gagnantes.
Rappelons le Comité champenois créé en 1941 gère les flux, les stocks de Champagne. Tout est maîtrisé grâce à la connaissance parfaite et du marché et des stocks de vins clairs. Ce système brillant, dont il serait trop long d’en faire l’explication, permet à tout à chacun travaillant dans le secteur du Champagne de bien gagner sa vie. Producteurs de raisin, Négociants, Maison, coopératives, distributeurs etc tout le monde bénéficie du ruissellement. Je ne dis pas que c’est facile, mais avec un prix au kilo du raisin d’environ 8€ (sur les meilleurs crus) et d’un besoin d’1,2 kg par bouteille produite, le vin a déjà un coût de revient assez élevé qui permet à tous de vivre.
UNE raison du retard de la Champagne vers la durabilité : Le prix
Nous en étions à 8€ pour la matière première, ajoutez le prix de la bouteille (surtout en ce moment), le temps de pose sur lie (12 mois minimum) auquel s’ajoute des délais de commercialisation très encadrés: 15 mois minimum (élevage sur lie inclus) pour les Champagne Non Millésimés, et 36 mois (idem) pour les Champagne millésimés. les coûts de taxes, d’étiquetage, d’habillage, transport etc
Et pourtant qui n’a pas trouvé des bouteilles à moins de 20€, voir à moins de 15€ ?
En réalité, le retard pris par cette région est beaucoup plus lié au frein naturel créé par les producteurs eux-même: Vendre au juste prix. Vendre plus cher.
J’ajouterai que la montée du Prosecco sur le marché mondial et le manque de connaissance des consommateurs sur ce qui distingue l’un de l’autre (en l’occurrence essentiellement les coûts liés à la méthode de production) fait monter le chant des sirènes et la croyance qu’on peut boire bien pour pas cher….
Quand on observe les prix de crémants Bio, Natures, Biody qui montent allègrement au delà des 20 euros, des pet’nat qui atteignent très rapidement les 15-16€…comment peut-on expliquer de trouver des Champagne à 17€ !!
À l’inverse les grandes maisons n’hésitent pas à proposer des tarifs, que l’on peut juger assez élevés en terme de matières premières mais qui se justifient par une régularité, un savoir faire et une communication internationale qui resplendi sur l’ensemble de notre nation.
Comprendre que le Champagne a des coûts de production élevés est essentiel afin de faire admettre que le choix de boire ou produire propre a pour conséquence un prix plus élevé.
Champagne Bio et Ceux qui font du durables en Champagne
Si vous avez lu jusqu’ici alors vous n’êtes pas (plus) étonné de trouver des Champagne certifiés Bio au même prix que ceux qui ne le sont pas. Ex. Drappier, Lanson
De comprendre que l’un des freins pour les maisons, c’est bien entendu l’assemblage. Ces maisons travaillent avec tellement de producteurs différents, que tant que le mouvement écologique ne bouge pas ils ne pourront pas satisfaire leur besoin en stock.
Nombre sont les Vignerons indépendants qui ont fait le choix de travailler en propre. Décision qui entraîne:
- Une baisse de rendement (pour les différentes raisons évoquées ci-dessus, La Champagne est la région avec les plus hauts rendements autorisés en France. Ils restent maîtrisés pour assurer que les volumes n’excèdent pas la demande et ainsi maîtriser le marché).
- Une hausse des prix
- Une nécessité d’établir un discours de vente, un story telling, un contact plus proche du consommateur
- Une variabilité des goûts par millésime ce qui nécessite une travail très assidu sur les vins de reserve et la création de Gamme.
Grâce à leur travail, La champagne est passée du statut de Champagne à celui de Vins de Champagne, avec par ricochet la remontée de l’intérêt pour les coteaux Champenois.
En conclusion
Loin de moi l’idée de dire qu’il serait plus facile de faire pousser du raisin ici ou ailleurs. Mais le choix de produire des vins issus de méthode traditionnelle est complètement adaptée au climat champenois.
Si les cépages Champenois se superposent à ceux de Bourgogne, les terroirs, les expositions ne sont pas comparables. On ne produit pas les même vins. Clairement un Crémant de Bourgogne en 100% Chardonnay sur les terroirs du sud aura difficilement la finesse d’un Champagne Blanc de Blancs de Mesnil Ogier.
Seul 7,2% (2672 ha dont 1506 Ha en conversion sur 32000 ha environ) du vignoble Champenois est bio, (au lieu de 21% pour les autres vignobles)
Les vignerons sont les premières victimes des produits synthétiques pesticides, insecticides etc
C’est donc à force de volonté individuelle qu’on change une trajectoire et c’est ce que font:
Envie d’aller plus loin ?
- Pour en savoir plus lisez Association Champagne Biologiques
- Si vous êtes lillois allez faire un tour à la boutique Champagne Terroirs Expérience: Créée par les vignerons indépendants de Champagne
- Envie de découvrir ou d’offrir à découvrir des vins de Champagne issus d’artisans Champenois ? Une société lilloise vous propose un abonnement mensuel de box ! Bulles de Champ’. Une vraie bonne idée pour relier les producteurs aux consommateurs.
- Suivez nos ateliers Vins Pétillants pour en découvrir plushttps://dejeunonssurlherbe.com/degustation-champagne-lille/
Et vous, quelles sont vos réflexions sur ce sujet ?