Alors que 2025 célèbre les 10 ans de l’inscription des terroirs de Bourgogne au patrimoine culturel de l’UNESCO pour les 50 011 Ha exactement, nous avons eu envie d’éclairer notre lanterne sur la désignation de ces territoires. La toponymie, littéralement étude des noms de lieux nous permet de traverser l’histoire de la vigne (dans notre contexte) en Bourgogne. Mais quelles sont les signification de ce qu’on appelle les climats de Bourgogne ? Au nombre de 1247 nous ne traiterons ici que des noms les plus souvent rencontrés.
Repères historiques, notions de climats de Bourgogne & toponymie
Dès 312, en Bourgogne, les meilleurs terroirs sont identifiés et cultivés. A travers les siècles c’est l’extension du catholicisme qui va favoriser les plantations de vignes, et aux XIV et XVe siècles, les ducs de Bourgogne participeront au rayonnement des climats de la région.
Le terme climat en Bourgogne tire son origine du grec klima inclinaison de la Terre, indiquant comment le soleil atteint un lieu. Ce facteur crucial pour la vigne s’est spécialisé dans le vocabulaire viticole, désignant une parcelle précise, aux caractéristiques spécifiques. Contrairement à un lieu-dit, un climat peut ne pas coïncider parfaitement avec une unité géographique classique, mais il reflète toujours un terroir bien défini.
L’ambiguïté entre climats et lieu-dits persiste toutefois, mais la frontière est claire : un climat est intrinsèquement lié à l’identité viticole d’une parcelle. C’est notamment au XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, avec la formalisation des appellations et des cartes, que cette notion s’est figée.
À une époque antérieure où la cartographie et les registres étaient inexistants, la dénomination des lieux était essentielle pour se repérer dans l’espace. Les noms de lieux, que ce soit pour des villages, des lieux-dits ou parcelles et climats viticoles de Bourgogne, reflétaient souvent des repères géographiques, naturels ou culturels, servant de balises pour l’orientation et l’identification de ces endroits.
Ce sont donc les usagers, ceux qui connaissaient intimement ces lieux, qui ont donné les noms. Leurs choix reflètent leur environnement immédiat, bien que les paysages et la végétation aient pu évoluer au fil du temps. Certains noms évoquent des arbres emblématiques, comme les Ormes, souvent présents pour marquer l’entrée des villages. Il en découle des lieux-dits et des climats au nom de “en l’ormeau” ou encore “des ormeaux”.
De nombreuses références à la végétation
Au XIIe siècle, de nombreuses zones boisées et forêts sont brulées et défrichées pour y planter la vigne. En laissant apparaître une zone débroussaillée, on donne le nom de Combe brûlée, Aux Brûlées. Quant au nom le plus courant des climats issus de friche, il s’agit de la “chaume” ou “des charmes”.
Enfin, le nom d’un climat peut aussi correspondre à la végétation initialement présente, comme les boichots, les buissières, ou bouchots, faisant référence au buis.
Des histoires à raconter ou des indicateurs concrets ?
Prenons l’exemple des Amoureuses. Ce climat doit son nom à une terre composée d’argile et de sable, qui, sous la pluie, devient collante. On part de la sensation du viticulteur les bottes pleines de boue, qui nous dit les amoureuses : c’est un lieu où la terre colle. Ce n’est pas donné à une image très valorisante d’un amour qui serait… trop fusionnel autrement dit Collant 😉
Au passage il existe un proverbe : « les beaux bruns charment les amoureuses »
D’autres hypothèses évoquent la dérive d’une homophonie. L’origine des « Amoureuses » pourrait dériver de « haie mureuse », une haie de ronces ou de murs, témoignant comme vu précédemment de l’influence des plantes et des haies, qui ponctuaient autrefois le paysage. Ainsi, derrière le nom, on peut déjà commencer à imaginer les particularités du terroir et du vin produit.
Mais les beaux bruns alors ? C’est une dérive de « ébaupin », de l’aubépine. C’est une haie d’aubépine, une haie d’ébaupin qui donna les “beaux bruns”.
En Bourgogne, lorsqu’on parle de Climats, on regarde la terre mais pas que…
Pour de nombreux climats, les noms deviennent ainsi des indicateurs de la qualité du sol. Dans cette région la toponymie viticole évoque d’ailleurs ce qui est investi et recherché : les sols calcaires
Les éboulis pierreux nommés localement “ les cras” ou “les crais” on peut les suivre finalement dans toute la côte : de Marsannay à Meursault en passant par Vougeot ou encore Monthélie… C’est d’ailleurs une des données physiques les plus fréquemment évoquées dans le nom des climats.
Certains interprètent ce nom comme un lieu visité par les corbeaux. Car dans la langue régionale, un corbeau se dit « cras ».
L’homophonie avec le nom régional du corbeau, crâ, suscite souvent des confusions amenant à interpréter fautivement ce terme.
Mais si on recherche encore, dans les langues celtiques « cracos » pourrait faire référence à une odeur pierreuse secondaire à des éboulis.
Les linguistes ont pu reconstituer ce qui est la racine « cra » : qui indique la pierre. Donc on a ici une nature de terre essentielle et très favorable à la vigne.
On retrouve cette racine dans « craie », « crayeux », « criots » (criots batard montrachet). Là on entre dans la composition du sol, un sol donc dominé par cette pierre calcaire et qui va donner au vin, un aspect extrêmement précis, rectiligne, avec énormément de fraîcheur.
Les CLimats de Bourgogne regardent la terre, mais aussi le Levant !
C’est connu, ou on vous l’apprend, l’élévation des Alpes a créé par glissements, des plis et des effondrements, à l’origine des caractéristiques du lieu, du sol, de la pente, données adaptées à la vigne en Bourgogne.
La qualité d’un Climat dépend aussi de son exposition. Les pentes orientées vers l’est, sud-est, et suffisamment inclinées pour éviter la stagnation de l’eau, sont idéales pour accueillir des vignes. Dérivé du latin signifiant “côté” ou “pente”, “lès” illustre cette idée. Il signifie également proximité : Savigny-lès-Beaune, Chorey-lès-Beaune : villages proches de Beaune.
À propos des vignobles proches des grandes villes
A l’origine le nom des villages de la côte était des noms simples et non pas composés.
Gevrey, Puligny, Chambertin. Au début du XIXe siècle un vin fait sensation dans la cour impériale à Paris, c’est le Chambertin.
Chambertin disait-on, vin préféré de Napoléon (On sait qu’il mettait pas mal d’eau dans son vin, au moins dans celui-là).
Toujours est-il que les courtiers de l’époque venant chercher du Chambertin souvent se heurtaient à un refus. On ne pouvait pas en fournir pour toute la cour impériale, encore moins pour tout Paris.
Mais on pouvait leur vendre des vins de Gevrey dont les vignes, voisines, données des vins tout aussi bons. Les vins de Gevrey avaient du mal à être vendu, les buveurs d’étiquette existant déjà et boudaient un vin moins présomptueux que Le Chambertin.
En 1847, les producteurs de Gevrey ont eu une idée assez remarquable, agrémenter le nom du village de celui plus prestigieux de Chambertin. Louis-Philippe donne son autorisation : Gevrey devient Gevrey-Chambertin.
La qualité se serait-elle construite psychologiquement, par une sorte de marketing avant-gardiste?
L’idée fut fantastique puisqu’en l’espace d’un demi-siècle, la plupart des villages de la côte vont à leur tour ajouter le nom du meilleur climat alentour. On va découvrir les Chambolle-Musigny, les Morey-st-Denis, les Puligny-Montrachet, Chassagne-Montrachet.
Des noms qui reflètent des grades de qualités ?
Au Moyen Âge, le Montrachet (nom donné en référence à son sommet recouvert de terres pauvres) prit son essor. Ces terres donnent des vins d’exceptions, provenant d’un sol pauvre en nutriment fait de calcaire. Le vignoble bénéficie d’une exposition idéale en légère pente au sud de la Côte de Beaune.
Longtemps surnommé « l’aîné » quatre grands crus portent le nom de « Montrachet » : Bâtard, Chevalier, Bienvenue-Bâtard et Criots-Bâtard, réputés comme les plus grands vins blancs secs du monde.
Chevalier, donne une idée de hiérarchie féodale, alors que les bâtards feraient allusion à la complantation en blanc et en rouge qui était très fréquente autrefois. Enfin, bienvenue serait le fait que la vigne ait bien poussé.
On en vient à une manière d’établir une hiérarchie qualitative, avant même que ne soit créé notre système d’appellations.
Autre exemple, le « clos des mouches » dont on ne peut pas dire que le nom soit très attrayant pour notre époque. Mais c’est oublié que la mouche détermine l’abeille (cela donnera d’ailleurs le nom au Muscat) , la mouche à miel, il y avait des ruches dans les vignes.
Enfin, “Les Clos” évoquent l’emprise foncière des moines, des seigneurs, des évêques au Moyen Âge, marqués par des murs en pierre : Clos de Bèze, Clos du Roi, Clos de Tart, Clos de Vougeot. A delà de la hiérarchisation des qualités, les notions de possessions étaient récurrentes.
Pour finir avec une autre appellation prestigieuse, La Romanée.
“Romanée”, serait relatif à la notion d’ancienneté, le chemin où serait passés les Romains. Etant ceux qui ont apporté la vigne, tout ce qui est romain est considéré comme ancien et viticole.
CONCLUSION
En Bourgogne, les noms des climats témoignent d’un patrimoine riche mêlant histoire, culture et savoir-faire viticole. Ces désignations, bien plus que de simples toponymes, reflètent l’identité unique des terroirs, la qualité des sols et l’interaction entre l’homme et la nature au fil des siècles. Aujourd’hui protégés par l’UNESCO, ces noms connus à l’international, incarnent l’excellence et la singularité des vins de Bourgogne.
Curieux d’en découvrir plus, venez participer à l’un de nos ateliers où faites appel à nos services d’ateliers à domicile aux thèmes qui vous conviennent.
Sources:
- BIVB
- Conférence été 2024, cité des climats de Bourgogne à Beaune